Une telle immunité est loin de constituer un élément de la démocratisation de l’UE. Dans nos propres démocraties, nos présidents, nos ministres, nos premiers ministres, nos membres du Parlement, même ceux du Parlement et de la Commission européenne, ne sont protégés que par une immunité pour la durée de leur mandat. Aucun pays démocratique n’a une telle protection légale pour ses fonctionnaires que celle des fonctionnaires de l’UE. Au contraire, les démocraties ont été établies en combattant de telles immunités, une telle « classe de privilégiés », pour empêcher la création d’une société à deux vitesses. Or les fonctionnaires de l’UE de Bruxelles ou du Luxembourg sont protégés à vie ! Même après la cessation de leurs fonctions, ils ne peuvent pas être confrontés à la justice pour tout acte accompli durant leur mandat.
Personne ne peut expliquer pourquoi cette immunité a été accordée, ni par qui. Régie par le Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes du 8 avril 1965, elle a été ajoutée furtivement en 1965, des années après la création de la Communauté européenne, dans une annexe à un traité qui n’a rien à voir avec le sujet. Après avoir interrogé des fonctionnaires de plusieurs États membres dans le cadre d’une campagne pour la suppression de cette immunité et dans la quelle le Newropeans Magazine avait été engagé, nous n’avons pu obtenir jusqu’à maintenant aucune réponse, si ce n’est : “nous ne savons pas”.
Pour respecter le principe fondamental de la démocratie en Europe, pour éviter qu’une caste d’ «intouchables» ne dirige l’Union européenne, il est nécessaire de réviser cette immunité judiciaire à vie des fonctionnaires européens. Cette immunité régie par le Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes du 8 avril 1965 doit être supprimée sans que pour autant cette révision ne remette en cause l’immunité diplomatique des fonctionnaires, qui est rattachée à l’exercice de leur fonction hors de l’UE et pour la période correspondant à la durée du poste.
Pour que la suppression de cette immunité soit effective, la clause du traité concerné doit être modifiée. Toute modification de traité doit être ratifiée par l’ensemble des Etats membres. Cette modification de la clause sur l’immunité aurait pu être mise en application simultanément avec la ratification de la Constitution. Elle aurait dû à ce titre figurer en annexe du traité de la constitution en énonçant simplement la clause suivante : « les fonctionnaires de l’UE sont légalement responsables aux yeux du système judiciaire du pays où leur institution se trouve. Ils jouissent d’un statut juridique semblable aux fonctionnaires nationaux de ce pays même». Mais ni les politiques nationaux, ni les politiques européens, encore moins les fonctionnaires, ne semblent avoir mesuré la distorsion que cette clause représente dans le processus de démocratisation européenne que le Constitution européenne se proposait d’insuffler dans le développement politique de l’UE. Une démocratisation dans le cadre de laquelle doit être rétablie d’urgence l’égalité de traitement des citoyens devant la loi, et supprimée toute mesure d’exception visant à écarter de toute responsabilité de ceux qui sont censés gérer notre gouvernance.
David Carayol
Paris (France)
Notes :
– Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes du 8 avril 1965.
– Quand les immunités menacent la liberté de la presse (par Elodie Laborie)